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[Inform' Express] Février 2021- Grand angle: «Donner à chacun le pouvoir de vivre»

Publié le 15/02/2021

Le 5 mars 2019, 19 organisations dont la CFDT présentaient le Pacte du pouvoir de vivre. L’objectif était d’opérer un changement de modèle économique, social et écologique. La pandémie que nous traversons depuis rend ce pacte de plus en plus d’actualité pour sortir le pays de la crise économique et sociétale qui s’annonce.

« Difficile de se remémorer la date exacte du big bang qui a donné naissance à ce Pacte du pouvoir de vivre, confie Frédéric Sève, Secrétaire national en charge du dossier. L’idée de ce pacte était déjà sous-jacente début 2016 avec la mise en place du collectif Places de la république. »

En effet, dans une tribune publiée dans Le Journal du Dimanche du 14 février 2016, quinze syndicats, mutuelles et associations dont la CFDT, la Fondation Nicolas Hulot, WWF France, l’UNSA et ATD Quart Monde annonçaient qu’elles allaient collaborer en faveur du vivre ensemble. « L’objectif était de réunir des organisations porteuses chacune d’une préoccupation sans pour autant qu’elle ne s’enferme dans la sienne afin d’inciter les pouvoir publics à apporter des solutions globales aux problèmes rencontrés dans notre société. Avec l’apparition du mouvement de protestation des gilets jaunes fin 2018 l’inquiétude était que les réponses données par le gouvernement se soient au détriment des actions à mener pour répondre à la crise sociale, démocratique et climatique que traverse le pays. Une première réunion s’est finalement tenue le 14 février 2019 pour façonner le pacte du pouvoir de vivre. »


Présenté officiellement début mars 2019, l’objectif de ce pacte du pouvoir de vivre était donc double : répondre aux malaises qui se sont fait jour dans le pays dans les semaines précédentes et prendre en compte les enjeux sociaux, environnementaux et économiques sans avoir à faire un choix. Le pacte s’articule autour de quatre axes majeurs :
- Donner à chacun le pouvoir de vivre, dans un cadre commun en protégeant notre avenir et celui des générations futures ;
- Remettre l’exigence de justice sociale au cœur de l’économie ;
- Préparer notre avenir en cessant de faire du court terme l’alpha et l’oméga de nos politiques publiques ;
- Enfin, partager le pouvoir pour que chacun puisse prendre sa part dans la transformation de nos vies.


66 propositions
Ce pacte rassemble 66 propositions qui permettent à la fois de lutter contre le dérèglement climatique, enrayer l’érosion de la biodiversité et améliorer le quotidien des citoyens. Ces propositions sont le fruit des débats et des travaux collectifs menés par les organisations en leur sein, au plus de près de leurs sympathisants, adhérents, militants. Elles sont la voix de plusieurs millions de personnes. Ce pacte vise à guider toutes les politiques publiques pour que dans chaque nouvelle loi, dans chaque nouveau décret et à toutes les échelles, les questions sociales et écologiques soient non seulement prises en compte mais qu’elles deviennent le cœur de chaque décision politique. Les organisations signataires appellent le gouvernement, les élus, les employeurs et plus généralement tous les décideurs, à mettre en œuvre ce pacte à leur niveau. Elles appellent également les citoyens et les autres organisations de la société civile à se mobiliser pour en soutenir les propositions.

Ces dernières portent sur quatre grandes thématiques :

- Réinventer le bien commun pour refaire société,

- Remettre l’exigence de solidarité et de justice sociale au cœur de l’économie,

- Réconcilier transition écologique et justice sociale pour construire un avenir partagé,

- Partager le pouvoir pour mieux agir.


Refaire société
Depuis quelques années le sentiment que les différentes catégories sociales n’habitent plus le même monde, ne partagent plus la même réalité se développe. Pour les organisations signataires du pacte il faut réaffirmer l’objectif d’accès de tous aux droits fondamentaux, de mixité sociale, de solidarité des territoires et reconstruire l’idée de fraternité. Pour construire cette société du commun il faut garantir l’accès à un logement digne, combattre les inégalités dans l’éducation et la formation et construire des parcours d’émancipation, un travail émancipateur, construire un bouclier de services publics dans tous les territoires, une solidarité intergénérationnelle, construire l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, lutter contre les discriminations, accueillir dignement les migrants dans le respect des droits fondamentaux et rendre accessible à tous une nourriture saine et éco-responsable.


Redéfinir le cœur de l’économie
Le développement des inégalités sociales mets à mal notre modèle de société basé sur la fiscalité la redistribution et l’Etat providence. La précarité, la fragilité économique ne cessent d’augmenter, les services publics ferment alors que 10 % des ménages détiennent 50 % du patrimoine privé du pays. L’objectif des organisations qui portent le pacte du pouvoir de vivre est un projet de société juste, dans lequel l’emploi se développe et le travail et la richesse sont équitablement répartis. Pour une économie au service de l’humain et pour rompre avec le moins-disant social et environnemental il faut une économie et une finance vraiment responsables, redonner du sens au partage des richesses, engager une réforme de la fiscalité pour plus de justice, applique le principe de pollueur/payeur à tous et utiliser de nouveaux indicateurs de richesse.


Construire un avenir partagé
Il n’y a pas à opposer justice sociale et protection de l’environnement efficacité économique et qualité de vie. Il est essentiel que la population puisse intégrer et participer équitablement à la transition écologique, et profiter de ses bénéfices possibles (santé, emplois, économies…). Pour faire prévaloir le long terme il faut : évaluer l’impact de toute nouvelle loi et politique publique sur les 10 % les plus pauvres de la population et au regard des objectifs de développement durable. Développer des mobilités plus durables et sortir de la dépendance aux énergies fossiles. Organiser la transition écologique dans les territoires et anticiper les mutations de l’emploi. Instaurer une fiscalité écologique solidaire et sociale. Adopter un plant d’investissement dans la transition écologique. Soumettre la politique commerciale et d’investissement de l’Union européenne aux objectifs climatiques, environnementaux et sociaux.


Partager le pouvoir pour mieux agir
Notre modèle démocratique ne renaîtra pas si nous ne savons pas mieux partager le pouvoir tout en apprenant à mieux coopérer, si nous ne savons pas mieux débattre en amont et en aval du processus législatif, et surtout si nous ne savons pas donner plus de pouvoir d’expression et de participation aux plus défavorisés de notre société. Pour mieux partager le pouvoir il faut : Permettre l’expression et la participation de tous les citoyens. Coconstruire les politiques publiques. Partager le pouvoir dans les entreprises. Accroître le droit d’expression au travail.
Le 27 novembre 2019 plus de 200 militants syndicaux et associatifs étaient réunis à Bordeaux pour le lancement du tour de France du Pacte du pouvoir de vivre. L’objectif était de décliner localement les 66 propositions du Pacte et d’impliquer les citoyens dans le débat. Ce tour de France qui s’est poursuivit jusqu’en février 2020 avait également pour but de faire connaître les propositions du pacte aux candidats aux élections municipales. Le 5 mars 2020 le Pacte a fêté sa première année d’existence. 2 600 personnes au total sont venues échanger et proposer. A cette date 55 organisations représentant des millions de militants portaient « cette vision commune d’un nouveau projet de société », se félicitait Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Toujours dans la perspective des élections à venir, les signataires en ont profité pour présenter dix mesures sociales et environnementales à mettre en place dans les communes.


Le pacte est-il la solution post-crise du coronavirus ?
La résonnance de ce pacte à l’aune de la crise du Covid 19 n’est pas facile à mesurer selon Frédéric Sève. « Le premier pacte répondait aux attentes de la situation que traversait la société civile en 2019. Il était porté par 19 organisations. Nous sommes désormais près de 60. Au sein de la CFDT le pacte a eu un écho favorable. Cette démarche était attendue par nos militants. Ils s’en sont saisis à titre individuel ou localement. Certaines URI ont relayé et décliné le pacte au niveau de leurs territoires mais toutes les organisations qui le portent n’ont pas de déclinaisons locales. Nous avons essayé de sensibiliser les candidats lors des élections municipales. Au niveau national nous avons été reçus par le premier ministre Edouard Philippe à l’automne 2019. La démarche est originale, même la presse est restée dubitative. Les gouvernements en général ont du mal à traiter des collectifs et à comprendre la plus-value qu’ils peuvent apporter. Ils ont plus tendance à s’adresser individuellement à chaque organisation. Nous devions rencontrer le premier ministre Jean Casteix, le rendez-vous a été reporté en septembre, puis en octobre puis sine die. Le Pacte du pouvoir de vivre n’est pas LA solution à la crise actuelle, souligne Frédéric Sève, mais il met le doigt sur des choses essentielles pour la trouver. Il ne faut plus sacrifier une dimension par rapport à une autre. La crise nait du fait que l’on a négligé un aspect des choses. Par exemple la crise climatique vient du fait que nous avons géré l’économie en négligeant de l’écologie. C’est vrai pour tous les sujets. Il ne faut plus gérer de façon hémiplégique les problèmes. Il faut mettre sur la table toutes les dimensions d’un problème pour le résoudre de façon multidirectionnelle. Il faut mobiliser tous les acteurs, faire appel aux représentants de la société civile et arrêter avec une gestion trop centrée et administrative des crises. »


Les prochaines étapes
« Dans un premier temps nous nous préparons à nous saisir des élections régionales et départementales pour faire connaître et faire entendre les propositions du pacte aux candidats. Dans un deuxième temps nous allons procéder à la réécriture du pacte. C’est un produit de qualité mais le processus de création a été rapide et incomplet. Il est un peu daté maintenant. Il va falloir intégrer ce qui s’est passé depuis février 2019. Le nombre d’organisations signataires a triplé. Nous allons devoir mener un travail de réactualisation et de complétude. Toutes les organisations vont pouvoir y participer. C’est important notamment pour les celles qui ont rejoint le pacte après son écriture. »

 

Retrouvez l’intégralité des 66 propositions et la liste des organisations signataires sur www.pactedupouvoirdevivre.fr